RÉSUMÉ
On observe chez les victimes du « syndrome du
survivant », c'est-à-dire les travailleurs qui demeurent à l'emploi suite
aux mises à pied massives, une propension à développer un burnout. Cependant,
aucune étude n'a été effectuée afin de mieux comprendre le lien qui existe
entre ces deux phénomènes. Pour palier à ce manque, cette recherche s'est
donnée comme objectif de vérifier la présence d'une relation entre le sentiment
de culpabilité vécu chez les « survivants » et le burnout. De fait, en
se basant sur la théorie de l'équité d'Adam (1965), les « survivants »
devraient percevoir une iniquité positive puisque leurs collègues ont été
licenciés, alors que tous offraient le même rendement. Cette iniquité crée
un sentiment de culpabilité chez les « survivants », et peut les amener
à vouloir augmenter leur rendement afin de justifier leur position. Or,
une augmentation de la charge de travail, sans pour autant avoir davantage
de ressources, est un facteur lié au burnout. C'est pourquoi la culpabilité
est considérée comme étant potentiellement reliée au burnout. Cette recherche
veut aussi vérifier la présence d'une relation entre l'agressivité vécue
dans le milieu de travail des « survivants » et le burnout. Selon Brockner
(1988), il y a une grande incertitude et une ambiance de compétition dans
l'environnement des
« survivants ». Ce contexte amène des tensions
au sein de l'organisation et provoque des comportements agressifs entre
travailleurs. Cette agressivité restreint le soutien social apporté dans
le milieu de travail, ressource souvent essentielle pour diminuer les risques
de burnout. L'agressivité vécue par les « survivants » peut donc, elle
aussi, être en lien avec le burnout. De plus, cette recherche contient
une variable contrôle qui est l'estime de soi. Ainsi, deux questions de
recherche sont formulées : Existe-t-il une relation positive entre le sentiment
de culpabilité vécu chez les « survivants » et le burnout ? Existe-t-il
une relation positive entre l'agressivité vécue dans le milieu de travail
des « survivants » et le burnout ? Les résultats ne permettent pas d'observer
une relation entre la culpabilité et le burnout. En fait, l'instrument
mesurant la culpabilité indique que les sujets de cette recherche n'expriment
que très peu de culpabilité, ce qui donne aussi peu de variance pour les
analyses. Il est possible que cet instrument, qui ne comportait qu'un seul
item, n'ait pas permis de bien mesurer le sentiment de culpabilité. D'un
autre côté, selon la théorie d'Adam (1965), cela pourrait signifier que
les sujets ne percevaient pas d'iniquité positive, ce qui expliquerait
que le sentiment de culpabilité soit de faible intensité dans cette étude.
L'ancienneté régissant les mises à pied peut avoir contribué à diminuer
cette perception d'iniquité. Quant à la relation entre l'agressivité vécue
et le burnout, elle a été soutenue par les résultats. Tel que Brockner
(1988) le démontrait, le contexte de travail des « survivants » les amène
à adopter des comportements agressifs qui diminuent le soutien social.
En diminuant ce soutien, on enlève aux travailleurs une ressource qui peut
contribuer à les aider à combattre le burnout. On saisit donc un peu mieux
pourquoi le burnout est présent chez les « survivants ». L'aboutissement
de cette étude incite à poursuivre les recherches sur le lien qui existe
entre le « syndrome du survivant » et le burnout. Une meilleure compréhension
de cette relation pourrait mener à poser des gestes concrets pour diminuer
les risques de burnout chez ces travailleurs.
1er octobre 2001