Mesure diagnostique des infrasons en milieu urbain montréalais, une problématique environnementale
Patrick Charland
03-2224593

RÉSUMÉ

Avec l'avènement d'une industrialisation massive au début du 20e siècle, les scientifiques ont commencé à s'intéresser à la pollution par le bruit. Plusieurs études ont été menées et des normes souvent encore en vigueur aujourd'hui ont été établies. Les basses fréquences, considérées à l'époque comme peu importantes car en dehors du champ d'audition et hors de tout intérêt scientifique, furent alors appelées infrasons.

Avec l'avènement d'une instrumentation plus adaptée (microphones très sensibles), les scientifiques ont découvert l'incroyable diversité des sources infrasonores : les vagues de l'océan, les orages, les tremblements de terre, mais aussi toutes les machines, cheminées, ponts suspendus, et grands édifices, en fait tout ce qui correspond à notre environnement moderne et à l'industrialisation. C'est à partir des années 50 que les infrasons ont constitué un domaine d'intérêt très spécifique. Cela vient de leurs caractéristiques physiques (fréquence basse et longueur d'onde très grande) les rendant inaudibles, très pénétrants et cela sur de grandes distances, et par conséquent de leurs impacts possibles sur la santé des humains. Ces caractéristiques font qu'en réalité nous «baignons» dans un environnement d'infrasons et qu'il est important de statuer sur leurs effets.

Ainsi, des études biologiques furent lancées dans le but de déterrniner les effets des infrasons sur la santé des humains et s'il y avait raison de les limiter avec des normes environnementales. On a constaté des effets néfastes en fonction de la fréquence, de l'intensité et du temps d'exposition mais les normes tardent toujours à venir. Encore aujourd'hui il n'existe aucune norme concernant le domaine infrasonore alors que les infrasons ont des effets bien connus et observés qualitativement mais assez mal connus quantitativement. Où il n'y a pas de norme, il y a peu de recherche, et où il y a peu de recherche, il y a peu d'effets associés, donc peu de normes.

La première partie du présent travail consiste donc en l'élaboration d'une bibliographie critériée qui permettra de situer tous les enjeux de la problématique en regard de la santé publique et des risques pour certains travailleurs. Nous nous proposons, dans un deuxième temps, de diagnostiquer les fréquences et les intensités présentes dans le milieu urbain. Enfin nous confronterons nos données à ce qui a été mesuré il y a maintenant une vingtaine d'années.

Plusieurs milieux spécifiques (système de ventilation-climatisation-chauffage, pont, autoroute suspendue, effet d'une montagne) ont été étudiés de façon à avoir une idée générale des conditions infrasonores présentes en ville. La grande difficulté de ces mesures consistait justement à déterminer la validité des résultats mesurés. À cause de la faiblesse du signal à enregistrer, il était difficile de discerner ce qui était source artificielle d'infrasons et ce qui était conséquence des variations de pression dues au vent ou à toutes autres sources naturelles.

Le présent mémoire se veut la suite des travaux de Raja Belhachmi qui avait établi la présence des infrasons dans le pavillon des Sciences de l'Université du Québec à Montréal. Son étude consistait à identifier les fréquences et intensités prédominantes des infrasons à chacun des étages du pavillon.

C'est grâce à des mesures préliminaires éloignées des centres urbains et par la visualisation in situ sur un micro-ordinateur portatif des variations directement liées aux excitations des structures mesurées que nous avons pu développer notre méthodologie de mesure.

Ainsi, nous avons décidé de mener trois campagnes de mesure (matin, jour, soir) de façon à assurer une certaine validité des résultats, mais aussi de façon à déterminer l'influence de l'activité humaine dans le paysage infra-acoustique environnant. Au cours de ces campagnes, nous avons mesuré à la fois les intensités (Leq) équivalentes au niveau sonore d'un bruit continu et les enregistrement fréquentiels infrasonores du milieu. L'analyse des données, à partir des résultats d'études biophysiques antérieures, devraient nous permettre d'évaluer quels seraient les impacts les plus probables pour les résidents urbains.

Les résultats sont éloquents. Tout d'abord, nous avons conclu que les infrasons produits dans le milieu urbain se propagent jusqu'à des centaines de kilomètres puisque les spectres fréquentiels des milieux urbains et d'un milieu mesuré en campagne sont presque identiques. Par contre les intensités infrasonores en campagne (20 dB) sont beaucoup plus faibles qu'en ville (en moyenne 75 dB). De plus, il a été clairement établi que les intensités de jour (surtout sur les structures surélevées, le pont et l'autoroute suspendue) étaient plus élevées que celles du matin et du soir (qui sont des périodes de trafic). L'importance des infrasons générés est donc liée à la variation des transferts d'énergie cinétique plutôt qu'au nombre de véhicule présents sur le pont. En effet, pendant le jour la circulation est moins dense, donc les véhicules peuvent atteindre des vitesses plus rapides et ainsi permettre un transfert d'énergie plus important à la structure oscillante. Nous avons aussi déterminé que les travées du pont Jacques-Cartier avaient une fréquence de résonance d'environ 9 Hz et que le système de Ventilation-Climatisation-Chauffage du pavillon Président-Kennedy avait une fréquence de résonance d'environ 16 Hz.

Finalement, nous avons établi une certaine relation de proportionnalité avec différents paramètres caractérisant les structures mesurées. Nous avons confirmé que la propagation des infrasons se faisait de façon parallèle à un pont ou une autoroute suspendue et non pas de manière perpendiculaire. Nous avons déterminé que la longueur de la travée était inversement proportionnelle à la fréquence mesurée au sol, que la hauteur de la travée était elle aussi inversement proportionnelle à l'intensité au sol. Enfin, nous avons de plus conclu que le Mont-Royal pourrait avoir un effet de barrière de 10 dB sur l'intensité des infrasons émis par le centre-ville pour les résidents de l'autre versant.

13 juin 2001