Destins intimes de la connaissance dans l'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera
François Choquette
03-2200466

RÉSUMÉ

Ce mémoire analyse la connaissance que l'on retrouve à l'oeuvre dans L'insoutenable légèreté de l'être, roman écrit par Milan Kundera et publié en 1984. Le choix de ce roman de Kundera nous est bien sûr inspiré par la présence de l'art de l'"essai spécifiquement romanesque" dont la maîtrise atteint ici un sommet inégalé. Or, cet art de l'"essai spécifiquement romanesque" permet d'inscrire dans le roman des réflexions du narrateur nous proposant une quête de la connaissance. Toutefois, et c'est là tout le mérite de cet art, les réflexions n'ont de valeur que dans la mesure où elles relancent, ajoutent et contredisent même souvent les actions des différents personnages.

À cet égard, la connaissance inscrite au sein même du roman de Kundera est indissociable du parcours même des personnages. En effet, les personnages constituent le support et le vecteur des enjeux épistémologiques que comporte L'insoutenable légèreté de l'être. Certes, Kundera, dans son essai L'art du roman, précise les objectifs qu'il s'est fixés: démystifier les conventions et offrir pour base à ses romans toute l'histoire du roman européen.

Aussi, cette étude se propose-t-elle de repérer et de comprendre les modalités qui président à l'inscription de la connaissance dans le roman de Kundera. Or, le premier impératif du romancier Kundera vise la déconstruction des idées reçues qui représentent un obstacle à la connaissance, puisqu'elles suspendent la pensée critique et créatrice. Du reste, le processus de déconstruction se rattache au procédé de l'ironie relié aux rapports contrapuntiques que pose la rencontre d'éléments d'une doxa avec ceux d'une (para-)doxa. Ainsi, la déconstruction ironique des conventions et des idées reçues permet au lecteur de comprendre le mensonge qui masque la vérité. De plus, la connaissance, provenant de l'opposition de plusieurs p oints de vue ou de regards sur la "vérité", montre les contradictions, l'ambiguïté et la relativité de l'existence.

Le deuxième impératif de Kundera concerne son désir de garder la mémoire des "découvertes" des autres romans de l'histoire. C'est pourquoi, Kundera utilise le procédé de la variation à partir d'intertextes. De cette façon, Kundera renouvelle les thèmes et les motifs des intertextes et leur donne d'autres significations qui répondent, comme dans "un cortège d'échos", aux regards de ses précurseurs. Ainsi, la connaissance qui relève de la variation à partir d'intertextes demeure-t-elle toujours plurielle, nuancée et relative.

Enfin, qu'il s'agisse du processus de déconstruction des idées reçues ou de la variation à partir d'intertextes, les personnages dans L'insoutenable légèreté de l'être représentent toujours le vecteur et le support des enjeux épistémologiques, si bien qu'il en résulte une sorte de destin intime de la connaissance dans ce roman.