Résumé

À cause de la facilité de son utilisation et son coût relativement bas, l'hydrosulfite de sodium devrait continuer d'être le produit chimique de choix pour le blanchiment des pâtes thermomécaniques, surtout quand une augmentation de la blancheur par 4 à 14 points est nécessaire. Mais le papier fabriqué à partir de pâtes thermomécaniques blanchies tend à jaunir rapidement, ce qui restreint son utilisation à des papiers qui seront utilisés pendant une période très courte (comme le papier journal ). Il a été suggéré que si le temps du jaunissement de ces papiers puisse être augmenté de 3 à 36 mois, le marché potentiel pour les pâtes thermomécaniques et chimicothermomécaniques sera augmenté par 0,6 à 2,2 millions de tonnes par année. L'industrie fait face à d'autres problèmes causés par l'utilisation de l'hydrosuifite. En effet sa décomposition très rapide au contact avec l'air cause la corrosion des équipements par la formation de thiosulfates. Avec le besoin de plus en plus grand pour de nouveaux systèmes de blanchiment et des procédés plus compatibles avec l'environnement, des travaux ont été entrepris pour trouver une alternative au blanchiment à l'hydrosulfite de sodium. C'est dans ce cadre précis que s'insère ce projet qui a pour objet d'étudier l'effet des agents réducteurs dérivés du phosphore sur le blanchiment et l'inhibition de la réversion d'une pâte thermomécanique fabriquée avec du sapin baumier (Abies balsamea) et de l'épinette noire (Picea mariana), dans des proportions approximatives de 1:3.

Les procédés de blanchiment sont des processus chimiques complexes qui demandent le contrôle d'un très grand nombre de variables. Pour les blanchiments avec des agents réducteurs, les facteurs les plus importants sont le pH et la concentration du produit. Dans cette étude nous considérerons trois variables : le pH, la concentration ainsi que le temps de réaction. Cette dernière variable est spécialement importante à cause de la grande réactivité pour laquelle les produits phosphorés sont connus. Un plan expérimental du type Box-Behnken a été utilisé. Nous avons opté pour le Box-Behnken, car c'est un design à trois niveaux utilisé pour des facteurs quantitatifs et qui permet d'estimer tous les effets principaux, les effets quadratiques et toutes les interactions linéaires.

L'utilisation de ce design permet de vérifier la reproductibilité de nos expériences avec les points centraux et d'optimiser les résultats dans les intervalles qu'on a fixés.

La deuxième étape fut de proposer des produits réducteurs dérivés du phosphore de classes différentes susceptibles de réduire les chromophores de la lignine. Ces produits sont : le méthylènetriphénylphosphorane (C6H5)3P=CH2 et le carbamidométhylènetriphénylphosphorane (C6H5)3P=CHCONH2 dans le cadre de la réaction de Wittig, qui réagissent avec les carbonyles pour donner des oléfines; l'acide hypophosphoreux H3PO2 et l'acide phénylphosphinique C6H5P(O)(OH)H qui contiennent un hydrogène réducteur sur le phosphore et un sur l'oxygène, l'acide phénylphosphonique C6H5PO(OH)2 qui a deux hydrogènes réducteurs sur les atomes d'oxygène, l'hydroxyméthylphosphinate de sodium H2OCP(O)(ONa)H qui contient un hydrogène réducteur sur le phosphore, mais qui est un sel, donc un produit ionisé, le spirophosphorane qui possède un hydrogène sur le phosphore mais pas d'hydrogène réducteur sur les oxygènes et enfin le pentachlorure de phosphore PCI5 et le dichlorure phénylphosphineux C6H5PCI2 qui eux sont des agents réducteurs très puissants mais ne contiennent pas d'hydrogène.

Finalement, nous avons traité la pâte avec chacun de ces produits selon notre plan expérimental. Des feuilles ont été formées à partir de ces pâtes blanchies et l'analyse des propriétés optiques nous a donné les résultats suivants : le spirophosphorane donne le meilleur gain de blancheur de 3 points ISO suivit par l'acide hypophosphoreux avec 2 points ISO et l'acide phénylphosphinique qui diminue l'indice de la teinte jaune CIE b* d'un point. Il faut noter que les trois produits sont des acides avec un hydrogène réducteur sur le phosphore et que dans les trois cas l'analyse statistique des résultats nous montre que le pH est le facteur le plus important, les meilleurs résultats ayant été obtenus à un de pH 4. Pour la réaction de Wittig une perte de blancheur allant jusqu'à 5 points ISO et un gain de CIE b* de 3 points ont été notés : la réaction rapide de ces réactifs avec l'eau en est la raison. L'hydroxyméthylphosphinate de sodium et l'acide phénylphosphonique n'ont pas influencé les propriétés optiques de notre pâte : on remarque que pour les deux produits l'hydrogène réducteur est sur l'oxygène et non pas sur le phosphore. Enfin le pentachlorure de phosphore et le dichlorure phénylphosphineux ont été écartés malgré leur pouvoir réducteur à cause de leur odeur, leur toxicité et leur pouvoir corrosif élevé.